R.E.A.A

RITE ÉCOSSAIS ANCIEN ET ACCEPTÉ

Les Origines du Rite

Quelle est l’origine du Rite Écossais Ancien et Accepté ? Quelle est son histoire, authentique ou apocryphe ? Quelles sont sa spécificité et sa consistance ? Je vous propose d’aborder ces différents points à la lumière de notre Obédience, l’Obédience de la Fraternité Universelle.

A l’origine, le REAA est un système de hauts grades (ce qu’il est resté dans les pays anglo-saxons) et non pas un rite de loges bleues ou symboliques. C’est le Suprême Conseil de la Juridiction Sud à Charleston qui, en 1801, a institutionnalisé les grades du 4eme au 33eme degré[1], et le REAA s’est largement développé aux Etats-Unis, notamment sous l’impulsion d’Albert Pike, [2] et ailleurs, au point de devenir le rite le plus pratiqué au monde.

En France, au début du XIXème siècle, c’est à l’initiative d’Auguste de Grasse-Tilly [3] ,fort de son expérience maçonnique américaine, que se scelle un acte d’union ou concordat entre le Grand Orient de France et le Suprême Conseil du 33ème degré en France. En 1804, sont également créés les 3 grades Apprenti, Compagnon, Maître des loges bleues.

Le rituel, dans ses pratiques gestuelles, orales et symboliques dans les loges, se fixe entre 1805 et 1820, après le rite écossais rectifié et le rite français, et juste avant le rite Émulation.[4] Il est codifié dans le Guide des Maçons Écossais (ou cahiers des trois grades symboliques du Rit Ancien et Accepté).

N’en déplaise à la terminologie, le REAA, tel quel, n’est donc ni fondamentalement écossais ni véritablement ancien. Alors, pourquoi ces qualificatifs d’écossais et d’ancien ? Et qu’en est-il pour « accepté » ?

En quoi le REAA est-il « écossais » ? Par référence au courant de l’écossisme, né au XVIIIème siècle, et lié à la présence de nombreux francs-maçons écossais dans les premières loges, et surtout leur influence décisive dans l’aboutissement de la maçonnerie spéculative, autant que pour se démarquer de la maçonnerie anglaise. A l’époque, le terme loge écossaise désignait aussi les loges de perfectionnement pour les distinguer des loges bleues ou anglaises. Hors des loges écossaises, des maîtres maçons écossais auraient été présents dès 1733 à la Loge Temple Bar à l’Orient de Londres. Fuyant le chaos des conflits dans leurs îles, les exilés stuartistes en France créent l’ordre maçonnique écossais avec la Scottish Lodge à l’Orient de Bordeaux.

Pourquoi le REAA est-il « ancien » ? Par allusion à la Grande Loge des Antients d’Écosse qui pratiquait une maçonnerie différente de la maçonnerie anglaise pratiquée par les Modernes. Ce faisant, en prônant le retour à la tradition, les Anciens ont développé un rite paradoxalement plus récent que celui des Modernes.

Dans les textes, le Guide des Maçons Écossais est lui-même largement emprunté au manuscrit « Les trois coups distincts » de 1760, texte de référence du rituel des Antients. Autres antécédents maçonniques, les Constitutions de Bordeaux de 1762, en établissant 25 degrés du rite de perfection, ont posé le fondement du REAA. Des frères français, dont Etienne Morin ,possesseur de lettres patentes de 1761, exportèrent ce rite aux Antilles, à Saint Domingue dès 1762 puis aux Etats-Unis où s’achèvera le processus constitutif du REAA. Les Constitutions de Berlin de 1786 portent à 33 degrés le REAA et cimentent son unité avec les devises « Ordo ab chao » et « Deus meumque jus » définitivement imposé en 1885.

Dans REAA, que signifie « accepté » ? Il s’agit de l’habitude prise dans les loges symboliques d’accepter des membres n’exerçant pas le métier de maçon. Aux maçons des corporations et aux maçons libres, de profession mais affranchis, s’adjoignent donc des extérieurs, maçons acceptés, marquant ainsi le passage d’une maçonnerie opérative (qui construit un ouvrage) à une maçonnerie spéculative (qui s’enrichit de son observation).

Dans la pratique maçonnique, le REAA se définit comme un ordre initiatique, traditionnel, humaniste et symbolique.

C’est d’abord un rite initiatique tendant à la réalisation spirituelle, basé sur la quête de la connaissance de soi par un travail d’introspection. Le REAA conçoit la franc-maçonnerie comme une société ayant pour objet le perfectionnement individuel, sans aucune intervention directe dans le monde profane, mais exclusivement par le travail en loge où aucune discussion politique ou religieuse n’est autorisée. Pourtant, « le vaste champ de l’activité spirituelle » qui s’ouvre au franc-maçon doit aussi inspirer sa « conduite dans le monde profane ».[9]

Le REAA est aussi un rite traditionnel fondé sur un héritage complexe avec les différentes influences qui ont structuré le rite : les origines teutoniques pour les textes constituants, l’alchimie avec la formule hermétique VITRIOL dans le cabinet de réflexion, la chevalerie templière. Déiste, il repose sur la foi en une puissance suprême ou principe créateur, nommé Grand Architecte de l’Univers, et en une lumière, un Volume de la Loi Sacrée.

Le REAA est également humaniste car il a pour objectif de « rassembler ce qui est épars » grâce à un élan universel de fraternité, afin de permettre la construction du Temple de l’Humanité.

Enfin, le REAA est par essence symbolique, dans la quête individuelle, les outils, les voyages initiatiques. Dans cette progression, chacun doit trouver sa propre voie spirituelle.

La spécificité rituélique du REAA, qui le différencie des autres rites maçonniques, est forte. C’est d’abord avant même l’initiation avec le passage sous le bandeau. C’est ensuite par la couleur

rouge des tabliers et des décors, puis dans les divers temps de la tenue avec le tracé du tableau de loge, la lecture du prologue de saint Jean, ou même dans la déambulation en marquant les angles. C’est encore par l’acclamation écossaise Houzzé ! Houzzé ! Houzzé ! à laquelle certaines obédiences et loges progressistes ou à ouverture sociétale ajoutent la devise républicaine française « Liberté, Egalité, Fraternité ».[10] C’est enfin lors des agapes avec le toast du tuileur.