MARTINIST

LE MARTINISME

Sous cette appellation, on désigne plusieurs courants philosophiques qui ne sont pas nécessairement de même tendance, mais qui se réfèrent, soit à l’enseignement de Louis-Claude de Saint Martin, soit à celui de Martinès de Pasqually. Louis-Claude de Saint Martin fut d’abord le disciple, puis le secrétaire de Martinès de Pasqually ; il fut Maçon comme ce dernier, mais il se lassa vite des expériences - à mi-chemin de la magie et du spiritisme - auxquelles son Maître se livrait, et qui donnaient trop souvent lieu à des déceptions. Tous deux professaient cependant cette doctrine que l’homme est une étincelle émanée de Dieu, qui doit chercher à opérer aussi rapidement que possible sa réintégration dans sa nature originelle. Ce qu’on appelle l’ORDRE MARTINISTE ne doit pas être confondu avec le mouvement martiniste considéré en général. C’est Papus qui fonda cet Ordre en se référant à Louis Claude de Saint Martin bien plus qu’à Martinès de Pasqually. Il n’y avait jamais eu d’Ordre Martiniste du temps de Louis Claude de Saint Martin. L’Ordre Martiniste n’est pas, ou n’est plus, une Société secrète. Il groupe un ensemble d’ “ hommes de désir ” - selon l’appellation de Louis Claude de Saint Martin - c’est-à-dire d’hommes de bonne volonté mus par le désir de réintégrer consciemment leur patrie céleste.

"Le terme de martinisme recouvre diverses significations :

1- Martinisme désigne en premier lieu le système de théosophie composé par Louis-Claude de Saint-Martin et exposé dans ses ouvrages. Un martiniste, une martiniste est celui, celle qui reçoit ce système afin de l'étudier et de le pratiquer.

2- Martinisme désigne la doctrine de Martines de Pasqually , et les "martinistes" deviennent alors, en corollaire, des Elus Cohen. La juxtaposition de ce sens au sens précédent s'explique notamment par l'homonymie partielle de "Saint-Martin" et de "Martines", et par les liens personnels, doctrinaux, et sociaux, tant imaginaires que réels, des deux illuminés. En ce deuxième sens, "martinésisme" et "martinésiste" interdisent l'équivoque.

3- Martinisme désigne l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte et, plus généralement le Rite Ecossais Rectifié , et "martiniste" désigne le membre de ces organisations, parce que Willermoz avait placé celles-ci dans la mouvance du martinisme et que nombreux furent, autour de Willermoz et à commencer par lui, les Elus Cohen qui y appartinrent.

4- Martinisme désigne l'Ordre Martiniste de Papus ou l'un des Ordres martinistes dérivés de celui-ci. "Martiniste" sera alors le membre d'un Ordre martiniste. Ce sens s'explique formellement par le qualificatif même que les Ordres soi-disant martinistes ont choisi et, au fond, parce qu'ils se réclament de Saint-Martin et revendiquent soit obscurément (Papus) soit expressément (Bricaud) une filiation Cohen." Nous ne nous étendrons pas ici sur l'histoire, riche et complexe, du martinisme, en franc-maçonnerie ou hors franc-maçonnerie, le lecteur intéressé pourra se référer aux nombreux ouvrages traitant du sujet et aux revues L'Initiation et L'Esprit des Choses, spécialisées dans le domaine du martinisme et de la F:.M:., nous préférons traiter succinctement du martinisme aujourd'hui. Grâce au travail de nombreuses personnalités de la scène maçonnique et occultiste, parmi lesquelles Philippe Encausse, le fils de Papus (pseudonyme de Gérard Encausse), Robert Ambelain, Robert Amadou, ou encore Raymond Bernard, chacun à leur manière, le martinisme est florissant, en France d'abord, en Europe ensuite, dans le monde enfin. Il est florissant tant au sein de la franc-maçonnerie avec le Régime Ecossais Rectifié, que dans les cénacles hermétistes et occultistes où le martinisme demeure un véhicule privilégié de la gnose, qu'à l'Université où il devient sujet de mémoires et de thèses . L'influence de Saint-Martin va grandissante depuis deux siècles, et témoigne d'une aspiration à un christianisme traditionnel qui reste largement méconnu. Ce courant théosophique à deux têtes, Martines de Pasqually et LouisClaude de Saint-Martin, a généré deux corps spirituels, l'un que l'on dit externe, l'autre que l'on dit interne, et que certains opposent parfois, bien à tort. Avec Martines de Pasqually en effet, c'est par une théurgie très élaborée que le prêtre élu se concilie anges et archanges en vue de sa Réintégration en la place qui est la sienne. Avec Saint-Martin, c'est par une théurgie intériorisée et un dépouillement visant à l'extrême que, Christ aidant, l'homme de désir devient l'homme-esprit. De ces deux corps, c'est le second qui s'est le plus étendu, sans jamais se séparer complètement, ni définitivement du premier. Mais si les formes semblent si différentes aux yeux profanes, c'est bien de la même ascèse qu'il s'agit, ascèse christique ou christienne, diraient ceux qui veulent marquer ainsi la différence entre le christianisme exotérique si critiqué et critiquable et le christianisme ésotérique, on parlera parfois, improprement d'hermétisme chrétien, mais cette dernière expression exprime toutefois parfaitement ce qu'est le martinisme aujourd'hui, on parlera mieux sans doute, de gnose chrétienne. Le martinisme contemporain se présente comme un espace traditionnel qui offre au chercheur la liberté et la flexibilité nécessaires à l'Aventure que représente la Quête inconditionnelle de l'Etre. Bien des martinistes s'intéressent peu à Martines et à SaintMartin, mais ils trouvent dans les loges martinistes la liberté, l'ouverture d'esprit que depuis bien longtemps, la franc-maçonnerie ne sait plus offrir qu'exceptionnellement. D'un ordre martiniste à l'autre, d'un rituel à un autre, le martiniste retrouve toujours cette ambiance propre au martinisme, et, de façon surprenante, cette présence indicible et indéfinissable, qui par les mystères du S et du I, les deux initiales de Supérieur Inconnu, manifeste la Chose. La Chose nous dit Robert Amadou, c'est la grande affaire des Élus Coëns, "...il n'en est point de définition et les contextes où la chose est mentionnée sont assez divers pour contraindre cette définition à l'équivoque. Le mot chose est français, mais ne revêtirait-il pas en l'occurrence, la double acception qu'induit la proximité phonétique des deux mots de la langue castillane (dont le parler de Martines se souvient de temps en temps) : cosa et causa. la chose martinésienne est bien la cause à la fois finale et efficiente de l'entreprise gérée par Martines et ses émules, grands et petits, où ils s'emploient à la réconciliation et à la réintégration. Elle est la cause à la fois finale et efficiente de la réconciliation et de la réintégration." Le martinisme tient probablement sa vivacité à deux éléments, d'une part la maçonnisation de ses rituels a permis d'assurer sa pérennité et son extension, préservant sa doctrine dans une structure déjà chargée d'histoire et apte à intégrer et préserver le symbolisme proprement martiniste (masque et manteau). D'autre part le principe des initiateurs libres permet la survie du courant dans les périodes hostiles (guerres ou dictatures) sous la forme de lignées. Voici un extrait significatif d'un rituel d'initiation au grade d'Initiateur .

"Pour cette dernière raison, l'Initiateur a le devoir de suspendre tous rapports initiatiques avec un de ses Initiés, dès que cet Initié devient luimême un Initiateur. L'accroissement de l'Ordre est ainsi analogue à la diffusion cellulaire par segmentation : une cellule n'en contient une autre que pour un temps très court. La cellule-mère se divise, donnant naissance à des cellules qui, elles-mêmes, deviennent rapidement à leur tour des cellules-mères. L'Ordre des Supérieurs Inconnus est organisé de manière à laisser la plus grande indépendance à chacun des éléments qui le composent, tout en conservant la plus forte cohésion dans l'ensemble. La Liberté Humaine ne doit jamais être restreinte, et l'Ordre travaille toujours suivant le consentement libre et absolu des Membres qui s'unissent pour une oeuvre particulière. Les avantages d'une telle organisation sont considérables et il est inutile de les énumérer tous. Le plus important et le principal, c'est l'absolue liberté laissée à chacun des Membres de développer par lui-même les enseignements de l'Ordre, suivant ses propres aptitudes et ses préférences scientifiques, philosophiques, métaphysiques, sociales, etc. Un autre avantage de ce système est la difficulté dans les pays intolérants, de détruire la société -étant donnée l'impossibilité absolue d'en tenir tous les fils." BOYER (Rémi)